Découvrez le parcours hors-norme de Philippe Boisneau, pêcheur professionnel – docteur ès sciences !
Que savons-nous sur la Loire, le plus long fleuve d’Europe, 1020 kilomètres à l’état sauvage. Docteur ès sciences, Philippe Boisneau, pêcheur professionnel, nous révèle les dessous de la Loire. Fervent défenseur des ressources aquatiques, Philippe Boisneau met à profit ses connaissances pour sauvegarder cette vie aquatique d’une grande richesse.
L’engagement d’une vie
Une détermination qui prend racine dès l’âge de six ans. Philippe Boisneau, originaire de Mayenne, exercera dans le domaine de l’environnement. Est-ce le souvenir des odeurs de l’eau des rivières lors de ses parties de pêche qui conditionneront le reste de sa vie ?
Rencontrée sur les bancs de la faculté, Catherine, son épouse, occupe une place majeure. Docteurs en sciences, biologie – écologie des milieux aquatiques, ils partagent les mêmes convictions. Un parcours étroitement lié, à la seule nuance : Catherine aura été pêcheur avant Philippe et occupe à ce jour, le poste de maître de conférences à l’Université François Rabelais de Tours ! C’est en 1994 que Philippe reprend les droits de pêche de sa femme.
Pour financer leurs thèses sur l’alose, de 1986 à 1990, le couple obtient deux conventions de recherche dont une avec le ministère de l’écologie. N’ayant pas de bourse, Catherine devient pêcheur grâce à un ami dans ce milieu, tout en continuant ses recherches. A cette époque, des grands projets de barrage sur la Loire sont en préparation, qui heureusement ne verront pas le jour ! Le couple se voit confier une étude d’envergure par le ministère de l’écologie d’une espèce emblématique de la biodiversité aquatique de la Loire, l’alose, un poisson grand migrateur dont la Loire accueille une des dernières populations. Etudes dont les résultats permettront au ministère de l’écologie de statuer l’arasement du barrage hydroélectrique de Maisons-Rouge sur la rivière la Vienne !
Les dessous de la Loire
Quelle surprise, lorsque Philippe me dresse le tableau de cette vie aquatique.
Débutons par la population des grands saumons atlantique de Loire. Espèce protégée depuis 1994, le saumon atlantique de Loire, est un emblème de la biodiversité aquatique au niveau Européen. Grands migrateurs, c’est la dernière population d’Europe occidentale a effectué des migrations aussi longues, jusqu’à 10 000 kilomètres dans les océans et 1000 en eau douce ! Une migration nécessaire à sa croissance en mer et sa reproduction en rivière. Les juvéniles, au printemps de leur première année, partent en mer jusqu’au Groenland, restent deux à trois ans, pour revenir, guidé par l’odeur de sa zone de jeunesse dans leur rivière d’origine, se reproduire et mourir. Le saumon de Loire est le symbole de l’eau pure.
Une pêche conditionnée par les saisons. L’alose au printemps (espère phare de la Loire) ; de mars à octobre: le mulet, la carpe, le barbeau et le silure (une espèce prédatrice dominante qui provient de l’Europe de l’est) ; d’avril à août : l’anguille jaune; d’octobre à février : l’anguille argentée et de juillet à octobre : goujons, ablettes, spirlin pour la fameuse friture ! Avis aux amateurs, vous aurez les adresses. Saviez-vous que le type poisson dans votre assiette vous indique le milieu aquatique dans lequel il a été pêché !
Mon étonnement va crescendo, Philippe m’annonce l’installation d’espèces exotiques liées aux impacts environnementaux et humains. Les nouveaux arrivés sont : le pseudorasbora ou goujon chinois du Mékong, la corbicule asiatique (type de coques) et l’aspe du Danube. Les hypothèses sur leur arrivée me clouent ! Peut-être prochainement dans nos assiettes, à suivre…
L’anguille reste une énigme, ce poisson opère une transformation impressionnante ! De la mer des Sargasses à l’état de larves elles se transforment en civelle sur le plateau continental et seulement à trente centimètres le sexe est déterminé, première étape. Après une croissance de 4 ou 5 ans pour les mâles et d’une douzaine d’années pour les femelles, arrive la métamorphose pour préparer le grand voyage ! Une fois prêtre pour se reproduire, l’anguille se transforme en poisson des abysses pour repartir en mer ! Des mécaniques physiologiques incroyables se mettent en place. Les premiers écrits datent d’Aristote et Platon, pour vous dire l’importance du sujet !
Une pêche sur mesure
La pêche en Loire est ardue et territorialisée ! A ce moment de notre conversation, la néophyte que je suis, va devoir avoir l’ouïe fine !
La Loire territorialisée : des tronçons de bout de rivière tous les cinq kilomètres, une pratique de pêche statique ! Ce n’est que le début. Ajouter le matériel de pêche, correspondant au type de pêche et les bateaux qui vont biens, je m’explique. Utilisation de verveux (nasse en forme de cône) pour les anguilles, de filets – barrage pour l’alose et de filets dérivants pour les mulets et les silures tout en tenant compte de la crue ! Philippe ne s’arrête pas là : apnéiste et plongeur, il analyse la mosaïque d’habitats pour enrichir son programme de recherche ! Cerise sur le gâteau, il pratique aussi une pêche nocturne pour certaines espèces.
Veilleur environnemental et lanceur d’alerte
Un rôle pris à cœur. Grâce à une collaboration pêcheurs – chercheurs, des travaux de recherches sur des espèces qu’ils sont les seuls à même d’appréhender sont possibles. Une source importante d’informations qui vient enrichir travail de recherche de Philippe.
Grâce à une analyse multicritère (le ciel, le vent, la phase de la lune, la turbidité de l’eau…), le pêcheur pratique une approche intuitive. Le scientifique va toujours plus loin : Philippe a contribué à fournir un modèle de prédiction du départ de l’anguille argentée vers la mer grâce un jeu de données statistiques, dans un partenariat avec Catherine pour l’Université de Tours, le Muséum National d’Histoires Naturelles et EDF. Une première mondiale ! Cette collaboration pêcheurs-chercheurs est primordiale ! Elle apporte une donnée à haute valeur scientifique. Sa priorité « Savoir apprécier ce que le milieu peut supporter comme pression de pêche et réduire les mortalités dues aux autres activités humaines ».
Cet engagement sans limites, dans la protection de la biodiversité de la Loire, aura eu raison des projets de barrage grâce aux actions du collectif Loire Vivante. Intarissable sur le sujet, Philippe termine par « c’est intéressant de tenter de répondre aux questions que ce sont posés Aristote et Platon »…
Avant de le quitter, Philippe me fait une devinette : quel est le pays qui déclare le plus d’anguilles de l’espèce européenne à la FAO (organisations de Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), aller je vous donne un indice : film d’Agatha Christie …
Producteur du Clan
Philippe Boisneau
37150 Chisseaux
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Restaurants
Domaine des Hauts de Loire
41150 Onzain
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