Les vignes de Pierre Fenals en Côte de Beaune

Comment passer de scientifique à vigneron, découvrez le parcours inattendu de Pierre !

Une histoire de « mille-feuille »

Il y a plusieurs millions d’années, les mouvements de terrain provoqués par la naissance des Alpes et l’effondrement du fossé Bressan ont dessiné un paysage unique. La Côte de Beaune, formée il y a 25 millions d’années possède un sous-sol qui ressemble à un véritable « mille-feuille » de couches géologiques plissées, déformées et brisées. Entre Ladoix-Serrigny et les coteaux des Maranges, la région viticole de la Côte de Beaune s’étire sur 20 km, du nord au sud et chaque parcelle produit alors un vin à l’histoire et aux qualités uniques. La mosaïque du parcellaire bourguignon est due à l’histoire, aux divers partages patrimoniaux successifs et au classement empirique des différentes appellations. La pédologie confirme la qualité et la composition en profondeur des terroirs. La géologie nous apprend la formation du socle bourguignon et renseigne sur les différents affleurements de roche et leur composition.

Un 360°

Je retrouve Pierre dans sa cuverie à Saint-Aubin, un village de vigneron du sud de la Côte de Beaune. Cet « extra terroir », comme l’appellent ses amis, est issu d’une formation scientifique et a vécu à Paris.  Lors d’une balade aux puces, il se procure un ouvrage sur la biodynamie, et fait ses premiers pas, de 1985 à 1993, dans la ferme familiale située dans le Cantal et pratique la biodynamie sur les prés, le paillage…

Pour asseoir ses connaissances, Pierre fait quelques séjours pendant ses week-ends dans le laboratoire du Goetheanum, siège de la société d’anthroposophie universelle, et travaille pendant quatre ans sur la cristallisation sensible, procédé qui permet de connaître l’état énergétique d’une substance.

Il prend conscience que la vie citadine ne lui convient plus et souhaite combler son besoin d’aller vers la terre. Dijon, où il possède une maison, sera le départ de sa nouvelle vie. Ce changement radical débute avec un retour sur les bancs de la faculté entre 2002 et 2003, puis il fait six ans d’apprentissage dans différents domaines viticoles de la Côte d’or. C’est en 2009 à la buvette de la fête du 14 juillet que, Pierre fait une rencontre qui lui permet de prendre son envol et de s’installer dans le bâtiment à Saint Aubin et crée sa cuverie.

Pierre s’installe en côte de Beaune, car il souhaite faire autant de blancs que de rouges. Le paysage de la côte de Beaune reste préservé avec une altitude qui varie de 300 à 450 mètres. Afin de conserver toutes les caractéristiques de son terroir, Pierre s’oriente vers une approche qui repose sur les principes de la biodynamie. Cette pratique nécessite une attention constante tout au long de l’année jusqu’à la mise en bouteille. Pierre possède en propriété 2,5 ha de vignes ainsi que leur friche et achète 4 ha en raisins, ses vignes sont labourées et les traitements effectués à base de produits naturels.

De la théorie à la pratique

Nous poursuivons notre échange sur sa parcelle accompagnés du chant des oiseaux. Pierre me propose un cours particulier sur ses vignes, qui ont entre quarante et soixante ans, que je vous soumets. C’est une liane arboricole qui est alterne avec un bourgeon à droite et un à gauche, dextrogyre (qui s’enroule de la gauche vers la droite), pousse de 2,5 mètres par an, si on la laisse faire. Chaque bourgeon de la baguette donne un rameaux qui porte une ou plusieurs grappes de forme différente, elle peut être simple ou ailée. Les ceps sont plantés tous les mètres, construisent une ligne avec au sommet un piquet, en acacia, pour maintenir les fils de fer qui soutiennent la vigne. Le sol, l’altitude, l’orientation, mais aussi la façon de travailler les vignes sont les composantes de ce que l’on appelle le terroir.

L’apex est le bourgeon terminal qui guide la pousse de la vigne. Sur le rameaux de l’année, deux ou trois bourgeons portent des inflorescences, les fleurs s’autofécondent lorsque le capuchon floral tombe, le parfum légèrement vanillé des fleurs est très discret. Petite anecdote locale, si le Mont Blanc est visible depuis Saint Aubin, c’est signe de mauvais temps, à bon entendeur…

Saviez-vous que dans une culture en biodynamie, toutes les vignes ont leur herbier. Géranium, aristoloche, bulbes divers, rampant, muscari à toupet, camomille, tous refuges à insectes. Ces herbiers sont des plantes compagnes du raisin. Les adventis donnent des informations sur l’état des sols et le rythme des saisons. Et la cerise sur le gâteau, Pierre travaille en fonction des lunes et fait ses propres tisanes et décoctions ! Sur le retour, Pierre me montre une cabotte, cabane saisonnière du XIX siècle en pierres sèches pour les vignerons.

Je comprends mieux le parti pris de Pierre dans la transmission de nouvelles méthodes agricoles qui auraient une action plus saine, en communion avec la nature. Trouver l’harmonie pour que cette orientation apporte une autre dimension à la terre tout en la respectant, voilà le message de Pierre. Son besoin d’aller vers la terre est satisfait malgré les caprices de la nature. En respectant ce que la vigne lui donne, la philosophie de Pierre prend tout son sens car son vin ne s’adresse pas seulement à la vue, au nez, au palais, il doit toucher l’âme.