C’est rue du Cherche Midi dans le 6ème arrondissement, l’une de ses sept Cantines, que je rencontre le chef Christian Etchebest. De loin, j’aperçois la devanture rouge « sang de bœuf », la couleur distinctive de ses établissements. Ce rouge typique des façades des maisons du Pays Basque.

Un mercredi matin

Christian Etchebest - La Cantine du Troquet - Le Clan des Sens

Crédit photo: Philippe Scaff

Palois, Christian grandit entre ville et campagne. La semaine à Pau, il passe ses week-ends et vacances scolaires dans la ferme familiale à Montory, village de la haute Soule, Pays Basque. Une adolescence épanouissante, un équilibre familial fort. Christian se souvient des moments passés à cuisiner avec son père « une cuisine faite avec le cœur ». Le fameux poulet rôti du dimanche avec les haricots verts et pommes de terre dans le plat en Pyrex.
Côté scolarité, c’est sa mère qui prend les choses en main. Un mercredi matin, au cours d’une réunion d’orientation, elle lui annonce qu’il va faire de la cuisine. Christian valide. Fin de quatrième, il entre à l’école hôtelière de Pau. Ses débuts dans la restauration sont peu enthousiasmants. Son père décide qu’il est temps de quitter Pau pour « monter sur Paris » rejoindre son oncle qui tient un bistrot « à l’ancienne ». Avant de partir, Christian fait une promesse à son père, une promesse plus qu’honorée. Une valeur déterminante pour la suite de son cheminement.

Des rencontres extraordinaires

Arrivé en 1987 à Paris, Christian s’installe dans un studio du 14ème arrondissement. Il débute comme commis au restaurant Le Père Claude à Paris pendant un an et demi. Il bosse dur mais sa soif d’apprendre est plus forte. « Des caisses de poissons le matin à lever », c’est très formateur ! Le contact avec le produit et réfléchir à sa transformation, ça lui plaît. Profiter de la vie parisienne, ce sera pour plus tard ! Pendant son unique jour de repos, le lundi, il récupère. Ce premier établissement lui inculque les fondamentaux du métier. Christian assimile rapidement, aguerri il est temps de passer la seconde.
Quoi de mieux qu’une grande maison pour progresser ? Christian entend parler qu’un sous-chef Béarnais travaille à l’hôtel de Crillon. Arrivé « du palois » place de la Concorde. Christian détecte l’entrée du personnel, un grand couloir. Il se présente à Yves Camdeborde, sous-chef à l’époque. L’effet escompté n’est pas au rendez-vous, l’accueil est glacial ! Plus motivé que jamais, Christian obtient son billet d’entrée au bout de la troisième tentative. Au cours de l’entretien, les deux hommes découvrent que leurs pères respectifs ont travaillé ensemble à Pau, forcément cela crée des affinités.
Le 1er novembre 1990, Christian intègre comme deuxième commis au poisson la brigade de l’hôtel de Crillon. Seize mois intenses. Il fait ses preuves à la brasserie l’Obélisque. Brillant, Christian accède au restaurant gastronomique, Les Ambassadeurs. Fier de travailler dans cette maison, Christian grandit professionnellement et acquiert plus de maturité. A cette époque les commis passaient dans tous les services, « quelle chance de pourvoir accéder à la panoplie du cuisinier » se souvient Christian. Une expérience rare. « Le cheminement du cuisinier c’est : changer de maison pour enrichir son expérience sans brûler les étapes »

Son « pays » lui manque, direction Biarritz à l’hôtel Le Miramar où il occupe pendant un an le poste de chef de parti auprès du chef André Gaüzère, une atmosphère de travail plus douce. Christian quitte Le Miramar et entre chez Les Frères Ibarboure à Bidart, une nouvelle dimension. Au bout d’un an d’un rythme soutenu Christian, vingt-quatre ans, réfléchit à son avenir, « quitte à travailler dur autant travailler pour moi ». Mais avant de travailler pour lui, d’autres aventures l’attendent.
Après sa période sud-ouest, Christian poursuit son chemin dans le sud-est. Le couple Etchebest pose ses valises à Cannes. Christian entre à l’hôtel Martinez auprès du chef Christian Willer pendant deux ans. La cuisine méditerranéenne, une révélation, Christian l’adore pas dessus tout ! L’exigence et la rigueur, les maîtres mots de cette maison.

Assiette Christian Etchebest - Les Cantines du Troquet Paris - Le Clan des Sens

Crédit photo: Philippe Scaff

Appelé aux commandes du Grand Hôtel à Saint-Jean-de-Luz, tapis rouge, Christian revient sur ses terres en tant que chef. Tout est beau, mais il manque quelque chose.
La bistronomie a le vent en poupe. Yves Camdeborde le persuade de revenir sur Paris, c’est là que ça se passe.

Le troquet

C’est rue François Bovin dans le 15ème arrondissement que tout commence. A vingt-neuf ans Christian achète avec sa femme Le Troquet, le bistrot de son oncle. Ce même oncle qui l’accueil lors de son arrivée à Paris. Christian dépoussière le lieu pour se sentir chez lui et ouvre le 10 juillet 1998. L’esprit : gentillesse, convivialité et une cuisine goûteuse. Des fondamentaux qu’il suit depuis vingt ans. Comme Christian le dit si bien « la suite, c’est que du travail ». Dans sa cuisine de onze mètres carrés, Christian comprend qu’il ne peut pas reproduire les assiettes des grandes maisons. Il trouve des solutions pour adapter sa cuisine aux contraintes qu’il rencontre. Les premiers journalistes affluent fin juillet, le succès est immédiat ! Le 10 septembre un quart de page dans le Figaro fait exploser les réservations. Perdu dans cette rue du 15ème arrondissement, Le Troquet devient une des tables incontournables de Paris.
2008, Christian a besoin de changement, « il ne faut pas faire les années de trop ». Son idée, monter une annexe du Troquet, qu’il vend en 2011, pour proposer une cuisine plus simple. Nouveau projet, nouveau nom : La Cantine du Troquet, clin d’œil à la cantine connue de tous.

Entrée - Les Cantines du Troquet - Le Clan des Sens

Crédit photo: Philippe Scaff

Avec sa première associée, Nathalie Camberlin, il lance La Cantine du Troquet Pernety, un carton. En attendant leur table, les clients se font servir les entrées à l’extérieur sur les sièges de scooters, la docle vita !
Depuis toujours Christian veut monter une brasserie, un lieu de vie. Janvier 2011 La Cantine du Troquet Dupleix format « nouvelle brasserie » voit le jour. L’idée de Christian, redonner ses lettres de noblesse à la brasserie en adaptant la bistronomie à la brasserie, des assiettes plus simples.

La suite ? Les Cantines se multiplient. Rue Daguerre, rue du Cherche Midi, Rungis, rue Bayen et La Cantine de la Section à Pau, ouverte le 24 octobre 2017, une affaire de cœur. Revenir chez lui après trente ans, tout un symbole.
Des ouvertures que Christian réalise avec ses amis – associés : Nathalie Camberlin, Benjamin Arnaboldi, Nicolas Gras, Franck Andrault, Stéphane Bertignac et Jean Bernard Hourçourigaray. Des amis qui adorent l’esprit et les valeurs que véhiculent les Cantines.

La valeur travail

« Le travail pour sortir du lot et se construire » le moteur de sa vie. Une valeur partagée par ses associés qui sont avant tout ses amis. Christian a tissé sa toile en fonction de ses affinités et s’est entouré de ceux qui partagent ses valeurs et la même philosophie du métier.
« Se mettre en retrait pour laisser l’autre trouver sa place », sa règle d’or. La clef de voûte de cette aventure : l’humain, une richesse inestimable pour Christian.

 

Restaurant du Clan

La Cantine du Troquet
http://www.lacantinedutroquet.com

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