Le lapis lazuli du Cotentin. Engagé dans une pêche durable et fervent protecteur des ressources marines, Romain Davodet, un pêcheur de « haute volée » !
Ne pas dépasser la ligne !
La presqu’île du Cotentin, baptisée « la petite Irlande » est une région chargée d’histoire. Situées à seulement quinze kilomètres au large du Cotentin, les îles Anglo-Normandes, que sont Guernesey, Jersey, Aurigny, Herm et Sercq bénéficient d’accords de pêche particuliers. Derniers vestiges du duché de Normandie, les îles Anglo-Normandes connurent une histoire mouvementée. Propriété de Guillaume le Conquérant en 1066, elles furent avec la Normandie liées à la Couronne d’Angleterre. Puis en 1204, le roi de France Philippe-Auguste déposséda le roi d’Angleterre, Jean sans Terre, de son duché de Normandie. Indépendantes du Royaume-Uni, elles possèdent une structure étatique ancienne : le baillage. Ce pan historique engendre un statut particulier du tracé des eaux territoriales des îles Anglo-Normandes. Cette caractéristique a longtemps fait obstacle à la clarification des zones de pêche avec la France. Heureusement, deux accords conclus le 4 juillet 2000 entre la France et le Royaume-Unis définissent une délimitation maritime et établissent des droits de pêche, préservant ainsi les pratiques traditionnelles.
La mer dans la peau
En attendant Romain au port de Carteret, je comprends que notre rencontre aura lieu sur son bateau. Il me précède. Avec le plus grand soin, je descends l’échelle incrustée dans la paroi du mur pour accéder au « Cap Nord ». Installée dans la cabine du capitaine, je m’imprègne de cet environnement et apprécie le clapotis de la mer.
Les racines normandes de Romain datent du XVIe siècle. Il faut remonter dans l’arbre généalogique de la famille de Romain pour trouver des pêcheurs. Tout commence à l’âge de huit ans avec ses parents, lors d’une pêche à pied pendant les grandes marées. Puis, à douze ans, des sorties en bateau avec des pêcheurs, amis de la famille.
Romain ressent une passion naissante, mais ses parents souhaitent qu’il fasse des études. A dix-huit ans, un baccalauréat scientifique en poche, il décide d’intégrer l’école des officiers première classe de la marine marchande au Havre. Après douze mois de navigation entre l’Afrique de l’ouest, le Venezuela et les Antilles, Romain revient sur ses terres du Cotentin. Des terres tournées vers la mer. Une mer qui joue un rôle important pour les agriculteurs. Saviez-vous que la mise en bouteille du cidre se fait en fonction de la lune qui coïncide avec les marées. Un marnage important, d’une amplitude maximale de douze mètres, qui laisse place à des activités sur l’estran de pêche aux rochers. A vingt-trois ans, Romain passe avec brio les échelons de son apprentissage, six mois en tant que matelot puis devient patron de bateau.
Un pêcheur engagé
Une belle opportunité s’offre à lui, il achète son premier bateau avec les droits pour accéder aux zones de pêche communes aux îles Anglo-Normandes. Comme dans chaque corporation, la réglementation est stricte. En 2009, Romain apprend par le journal des pêcheurs « Le Marin », que Bruxelles interdit la pêche de la raie brunette dite raie fleurie en patois normand. Cette lourde sanction décide Romain à se dédier qu’à la pêche du homard. Nouvelle orientation, nouveau bateau ! Arrivé tout droit d’Irlande, le « Cap Nord », un neuf mètres vingt-quatre, se pose à Carteret en 2013. Équipé des dernières technologies, Romain peut prendre la mer. Une mer riche en crustacés et coquillages, la Côte des Isles est la zone la plus pourvue de homard en France. Rien qu’à Carteret, les quinze petits bateaux en débarquent quatre-vingt tonnes par an.
C’est une pêche au casier qu’exerce Romain. Cette pratique sélective respecte les fonds marins, propose des crustacés d’une excellente qualité, puisque vivants. Romain milite envers des pratiques de pêche durable pour assurer la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement. Ses homards sont certifiés « MSC, Le Marine Stewardship Council ». Son astuce pour choisir un homard « top qualité » : exercer une pression au niveau de la tête, si une flexion se fait sentir, c’est que l’élu n’a pas atteint un remplissage suffisant. Primé en novembre 2015 le homard bleu du Cotentin est inscrit au livre d’or de l’« Excellence Française ». Comment résister à ce crustacé pourvu d’une chair si délicate et goûteuse, sans oublier ses qualités nutritionnelles, source de plusieurs vitamines et minéraux. Un met à consommer sans modération !
Sans une vocation et une détermination indéfectible, Romain ne pourrait exercer ce métier. Cet apprentissage quotidien se fait grâce à une combinaison de savoir-faire et de compétence chaque jour renouvelé. Une vie rude sur le bateau : bruits des moteurs, odeurs de poisson et de carburant, conditions climatiques et durée de travail. Quelle belle récompense pour Romain lorsque ses homards arrivent sur les tables de grandes maisons parisiennes. Son plaisir, savourer son homard cuisiné par un grand chef.
Etre pêcheur, c’est porter la valeur travail, le respect de l’effort et œuvrer pour que sa récolte soit bonne.
Soucieux de la préservation des ressources marines, Romain parle avec passion de son métier. Un aboutissement, lorsqu’il propose un produit de qualité et donne du sens en bout de chaîne. Etre dans son élément en osmose avec la nature, est la philosophie de vie que Romain soutient avec conviction.
Entre mer et bocage, je prends la route et profite d’une belle fin de journée pour découvrir ces paysages surprenants.
Portrait du Clan
Cap Nord
9 rue du Pic Malet
50270 Carteret
www.cap-nord.fr
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